Yasunari Kawabata



Kawabata ancra son œuvre dans la description d’un monde en transition, celui d’un Japon fort de ses traditions, en proie à d’insoutenables tensions, en train de basculer vers la modernité qui redéfinit les rôles et les règles. Typiquement nippon, il est le narrateur des mondes intérieurs qui nous agitent et porte une attention extrême aux moindres détails, à ces toutes petites touches extrêmement travaillées, peaufinées qui font de son œuvre un héritage léché, précis où chaque mot compte.

« Le Maître ou le Tournoi de Go » s’inscrit parfaitement dans cette tradition. Le roman repose sur un fait historique. Seuls les noms des protagonistes ont été changés.

1938. Shusai, dernier maître de Go, invaincu mais âgé et miné par la maladie, s'engage dans son dernier combat. Son adversaire, Otaké, pratique un jeu agressif, efficace et brillant. La partie dont l'issue est inéluctable va durer six mois... 
Tout oppose les deux héros de ce récit. Shusai témoigne de l'esprit ancien, simple et lumineux, évoque les forces de la nature jusque dans son comportement autocrate. Shusai est l'héritier d’une longue dynastie de joueurs qui virent le Go comme une forme d’esthétisme codifié tandis que Otaké incarne la modernité, sombre, inflexible et triomphante. Le jeu est serré, âpre, il s'interrompt et reprend sans cesse alors que le crépitement d'une averse, le grondement d'une cascade étouffent le son des canons d'une guerre pourtant toute proche. Méditation mélancolique sur la mort, sur le temps qui passe, Le Maître ou le Tournoi de Go s'accroche au rythme immuable des éléments comme pour suspendre le cours inexorable de l'Histoire.


La partie s’étala sur six mois, fit l’objet d’un règlement pointilleux que la maladie du Maître obligea à revoir fréquemment. Chaque révision fit l’objet d’intenses négociations où l’entourage des joueurs prendra un rôle essentiel lorsque les egos des deux protagonistes finissent par conduire à de fréquentes impasses.
Transportés dans des lieux retirés, isolés du monde, les joueurs placent leurs coups après d’intenses réflexions pour le challenger ou de très courts moments pour le Maître, sûr de son art. Ces longues réflexions ne sont pas tant des moments d’hésitation qu’un des moyens mis en œuvre pour déstabiliser psychologiquement le Maître, habitué à pratiquer sur des cycles courts de jeu.
Même si l’on ne connaît rien au Go, on se laisse immédiatement prendre par l’atmosphère de tension qui préside à cette partie historique et incroyablement longue. Une partie qui symbolise la lutte entre la tradition et la modernité, le respect des normes et l’inventivité, entre un Japon finissant et un Japon conquérant.




Confronted with a changing world, there is the great temptation for a writer to use symbols to portray the ongoing change - to reminisce about the old times and somehow contrast the worlds old and new. In the case of Kawabata, a journalist who actually covered the events tht form the basis of The Master of Go, it would have been quite natural to use the battle between Old, invincible master and the young challenger to symbolize the changing world. But instead, Kawabata masterfully crafts intimate portraits of the people involved: the obsessed Master, the driven challenger, and the people around them. They then create the sense of change without telling about it, succeeding in what writers ought to succeed: showing, not telling, the message they wish to convey.

The story begins at the ending: the old Master is defeated, and eventually succumbs to death. Perhaps there is no plot at all to speak of, since the climax has already come. Yet the delight in reading the story does not lie in its plot, but they way each event is told: there is the narrator's sympathetic view of the Master, the sequence of scheduled games written in sparse prose, yet set in the most poignant of Japanese scenes: a hot spring inn and its old designs, the cherry blossoms, the trees... Minute details are very important in this short masterpiece.
The mental burden of defending his title proves too much for the Master, and his sicknesses force delays on the matches -- delays which the young challenger is not too keen to accept. This conflict causes headaches for the organizers, but the match pushes through. Mention is given of the old times when the master sets the rules; there is no need for strict regulations to govern the game. There are subtleties that a Go player may be able to appreciate more and of course there will be a lot of things that are lost in translation, but a reader who has no background of the game will still understand and appreciate the novel.

Even though it is a 'sad story', there is another theme, more subdued but equally overwhelming: that of beauty. No Western author will be able to beautify a game of chess, say, between. But for the author and his characters - the game is an act of beauty and regardless of how much Japanese culture has changed since their times, it remains so. Thankfully, Kawabata has given us a window to glimpse at it.
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